La mise en place en France de la "Haute Qualité Environnementale", si elle ne s’accompagne pas de celle d’un label officiel, fait l’objet d’un consensus entre les divers acteurs chargés de la promouvoir (PUCA, ADEME, CSTB et Association HQE).
Ce consensus porte sur le contenu de la haute qualité environnementale, de manière à pouvoir répondre à la question : "à quoi reconnaît-on qu’un bâtiment possède globalement une haute qualité environnementale ?". Subsidiairement, c’est aussi répondre à la question : "Quels objectifs peut-on viser dans la programmation d’un bâtiment HQE ?".
Selon ce consensus, plus ou moins inspiré de textes issus du monde anglo-saxon, la Haute Qualité Environnementale repose sur quatre cibles génériques :
Cible Eco-construction
Cible Eco-gestion
Cible Confort
Cible Santé. Les deux premières sont relatives à l’impact que le bâtiment peut avoir sur l’environnement, à l’échelle mondiale, régionale ou locale. Les deux dernières portent sur les conditions environnementales faites à l’utilisateur ou l’habitant, à l’intérieur du bâtiment.
Ces cibles génériques se subdivisent à leur tour de la manière suivante :
1 - ECO-CONSTRUCTION
1-1. Relation physique des bâtiments avec leur environnement immédiat
1-2. Choix intégré des procédés et produits de construction
1-3. Chantier à faible nuisance
2 - ECO-GESTION
2-1. Gestion de l’énergie
2-2. Gestion de l’eau
2-3. Gestion des déchets d’activités
2-4. Entretien et maintenance
3 - CONFORT
3-1. Confort hygrothermique
3-2. Confort acoustique
3-3. Confort visuel
3-4. Confort olfactif
4 - SANTE
4-1. Conditions sanitaires
4-2. Qualité de l’air
4-3. Qualité de l’eau
Enfin, ces 14 cibles englobent des "sous-cibles" qui sont détaillées dans ce qui suit.
Aucune obligation ne pèse sur les maîtres d’ouvrage concernant l’application de ce qu’il convient d’appeler une "charte". Seules, la motivation et la bonne volonté font agir les maîtres d’ouvrage, en général publics, conscients que la demande sociale va croissant et que l’intérêt économique peut être visé, par l’intermédiaire du coût global. Cet aspect distingue la haute qualité environnementale des économies d’énergie qui ont été soumises, elles, au cycle Label-Réglementation.
Lorsque la décision est prise par le maître d’ouvrage, il faut instrumenter le projet dans ce sens. Il est donc important que les maîtres d’œuvre, même s’ils sont recrutés sur concours, connaissent le contenu exact de ces cibles. C’est pourquoi, dans le texte qui suit, ces cibles sont détaillées et commentées en termes de retombées sur la conception architecturale. Les sous-cibles sont tirées de l’action "REX HQE" du Plan Urbanisme Construction et Architecture (PUCA).
Il faut signaler enfin que ces cibles détaillées servent aussi à la rédaction des cahiers des charges des concours et des projets, moyennant des adaptations au terrain et au programme.
2 - Les cibles détaillées et leurs implications architecturales
ECO-CONSTRUCTION
CIBLE 1. Relation physique des bâtiments avec leur environnement immédiat
Ce critère concerne assez fortement l’architecture et l’architecte confronté aux contraintes du site en relation avec le parti et de choix constructif.
1.1. Utilisation des opportunités offertes par le voisinage et le site
Les "opportunités" en question ici sont :
Les services urbains : réseaux de transport, d’eau potable, d’assainissement, d’énergie, de télécommunications, des voiries.
Les ressources locales : productions de matériaux de construction, de composants, ressources en eau, en énergie, en potentialités d’énergie renouvelables (géothermie, éolienne, énergie solaire). L’essentiel pour le maître d’œuvre est de disposer des informations sur ces points. Si ln programme de l’inclut pas, il est nécessaire de rassembler les données par un minimum d’études préalables.
D’une manière générale, l’architecte ne peut pas tout savoir sur l’histoire du site et les antécédents ayant pu entraîner un état des lieux néfaste à la satisfaction des cibles HQE. Cela peut concerner la santé, par l’intermédiaire de pollutions ou de nuisances de voisinage. L’occultation d’une nuisance peut constituer une cause grave de dysfonctionnement du futur bâtiment HQE. Pour cette raison, des enquêtes préalables sont nécessaires, particulièrement en milieu urbain ou en cas de déconstruction de bâtiments industriels (pensons par exemple au cas du Stade de France sur l’ex-site industriel de Saint Denis). L’architecte en charge du projet devra connaître les résultats de l’enquête et en tenir compte lors de la conception du bâtiment.
1.2. Gestion des avantages et désavantages de la parcelle
Les avantages et désavantages d’une parcelle entrent dans les contraintes du projet : elles peuvent donc avoir une influence dès le choix d’un parti architectural.
Les contraintes sont :
Le climat local (ensoleillement du site, écoulement de l’air)
La topographie du terrain
Le couvert végétal existant. Le climat local commande les possibilités de concevoir une architecture bioclimatique (récupération d’énergie solaire). Il dépend du climat générique (zone climatique), et des interactions avec le site (masques de l’ensoleillement, écoulements d’air).
La topographie du terrain : un terrain en pente ne se construit pas comme un terrain plat : il y a une optimisation est à faire entre le volume de terrain à déblayer et la hauteur totale du bâti par rapport à la côte moyenne de la zone d’implantation : si une trop grande hauteur peut entraîner une nuisance dans la vue du voisinage, un enterrement trop profond va provoquer des nuisances de chantier (évacuation des déblais) et compliquer la tâche du concepteur en matière de "confort visuel" (probabilité accrue de locaux aveugles).
Le patrimoine végétal existant fait partie des avantages de la parcelle et l’architecte doit en tenir compte dans le parti : à égalité de surface construite, sauvegarder des parties entières d’un terrain en prévoyant un seul volume compact à construire est sans doute globalement préférable à un essaimage de petits volumes. Cela vaut aussi bien pour la situation stabilisée une fois le bâtiment réalisé que pour la phase chantier.
1.3. Organisation de la parcelle pour créer un cadre de vie agréable
Les parties non construites de la parcelle doivent être aménagées de manière à définir des espaces extérieurs confortables et agréables.
Le confort des espaces extérieurs peut être subdivisé en
Confort visuel Le confort climatique commande l’usage réel des espaces pendant l’année : l’ensoleillement d’hiver, l’ombre d’été, les chaleurs rayonnées par les surfaces, l’exposition aux vents déterminent des conditions microclimatiques urbaines sur lesquelles l’architecte a une influence par l’intermédiaire de plan-masse (parti architectural) et des épannelages.
Le confort acoustique est dans la même situation : les masses construites constituent des "murs anti-bruits" utiles à la tranquillité des espaces extérieurs.
Pour les espaces extérieurs, on peut lier le confort visuel à la qualité du cadre de vie. La qualité du cadre de vie dans la ville passe par la présence du végétal, sous diverses formes. Pour les arbres à haute tige, il est nécessaire de disposer d’épaisseurs de substrats suffisantes. Cela a pour conséquence que les ouvrages en sous-sol doivent avoir une emprise limitée ou doivent permettre la mise en œuvre de cette épaisseur. Une autre solution réside dans la dalle verte permettant au moins l’engazonnement des surfaces. Cela concerne la définition des parois d’enveloppe.
1.4. Réduction des risques de nuisances entre le bâtiment, son voisinage et son site
Tout bâtiment peut porter ombre soit sur un autre bâtiment (étranger au projet), soit sur un espace commun d’un voisinage. Dans les climats ensoleillés, cela peut être considéré comme une nuisance, surtout après un changement de l’état des lieux. Dans la mesure du possible, c’est-à-dire sans remettre trop fortement en cause le droit de bâtir, on peut essayer de "garder l’ombre chez soi" en veillant aux prospects des constructions limitrophes. Cela est plus facile à faire dans des opérations de grande taille, qui permettent par exemple la construction d’un îlot entier, que dans les opérations partielles, où la maîtrise foncière se limite à une fraction d’îlot. La question posée ici est le contrôle de l’ensoleillement, qui appartient à la maîtrise des ambiances. Le paramètre concerné est essentiellement le plan-masse et les épannelages.
La nuisance acoustique du bâtiment lui-même doit être maîtrisée par la conception de l’enveloppe lorsque l’on a affaire à une salle de spectacles. On touche ici à la conception acoustique du bâtiment, qui nous renvoie à la maîtrise des ambiances.
Les équipements bruyants doivent être choisis en fonction du niveau sonore qu’ils émettent et placés en situation la plus favorable pour diminuer les effets de la propagation des sons.
CIBLE 2. Choix intégré des procédés et produits de construction
2.1. Adaptabilité et durabilité des bâtiments
Cela comprend l’évolution de l’usage d’un bâtiment pendant sa durée de vie, le rendant finalement inutilisable. Cet objectif doit figurer dans le cahier des charges, car il implique par exemple un choix constructif favorable à l’évolutivité.
Cela comprend aussi les conditions imposées au gestionnaire du bâtiment pour le maintenir en l’état : entretien courant, renouvellement des équipements, maintenance des parties mobiles. Le choix des matériaux et surtout des composants doit se faire sur ce critère, qui introduit de fait la notion de coût global. Tout choix doit mettre en balance l’efficacité de l’objet, sa durée et ses contraintes de maintenance.,
Enfin, dans les régions à risque sismique, l’objectif de durabilité du bâtiment ne peut être satisfait uniquement à partir de la réglementation que constituent les règles P.S.. A l’instar de ce qui est fait en matière de confort hygrothermique (cible N°8), il faut dépasser ce stade et appliquer le savoir existant sur la conception architecturale parasismique, qui se dessine dès les premières esquisses.
2.2. Choix des procédés de construction
Le choix des procédés de construction appartient à l’architecte et dépend en partie du programme : plan libre ou grandes portées peuvent être imposés par la nature des locaux : elles se décident dès l’esquisse. Vis-à-vis de critères environnementaux, ce choix est moins dramatique : la relation existe essentiellement à travers le système de fondations en relation avec la nature du sol et le risque sismique, la consommation de matières premières, d’énergie et les conditions environnementales du chantier.
2.3. Choix des produits de construction
Les choix des produits de construction est lié principalement aux critères suivants :
Les investissements en matière première et en énergie dans la production des matériaux et composants et leur transport ;
Les économies d’énergie et la satisfaction des cibles "confort" ;
Les contraintes de maintenance ;
Les possibilités de déconstruction (recyclage) ;
Les conséquences sur la cible "santé" ; Le premier critère est difficile à appréhender compte tenu de la diversité des matériaux et composants : il doit de toute façon être confronté au critère "performanciel" introduit par le point suivant.
Le troisième critère touche au coût global de construction, ainsi qu’aux conditions d’usage selon la destination des locaux (par exemple la manipulation de fermetures dans un espace d’occupation collective pose de gros problèmes auxquels on remédie en général en utilisant des automatismes dont le coût de maintenance est plus élevé).
Le quatrième critère est plus prospectif : il s’apparente à un principe de précaution. On connaît aujourd’hui des matériaux ou des composants plus recyclables que d’autres, qu’il conviendrait donc de choisir, mais où en seront les circuits de récupération des matériaux dans 30 ou 40 ans ? Même aujourd’hui, on ne sait pas tout sur les cycles de vie des matériaux utilisés dans le bâtiment.
Le dernier critère est rédhibitoire : depuis le scandale de l’amiante, on ne peut plus plaisanter avec les matériaux dangereux pour la santé des occupants.
Pour l’architecte, le choix des matériaux et composants intervient en phase APD et détails-pièces écrites.
CIBLE 3. Chantier à faible nuisance
Le chantier concerne essentiellement l’entreprise et l’architecte n’est en cause que lorsque sa mission englobe aussi la réalisation. Il y a peu d’effets de retour de ce critère sur la conception architecturale, si ce n’est le degré de complexité des ouvrages à exécuter.
3.1. Gestion différenciée des déchets de chantier
Cela touche à l’organisation du chantier, qui nécessite la présence de plusieurs conteneurs spécialisés, et à la discipline des intervenants.
3.2. Réduction du bruit de chantier
Il s’agit là de précautions à prendre par rapport aux activités les plus bruyantes du chantier : par exemple les compresseurs et les cycles banchage/débanchage lorsqu’on a à couler le béton sur place.
3.3. Réduction des pollutions de la parcelle et du voisinage
L’utilisation de produits non polluants est ici nécessaire.
3.4. Maîtrise des autres nuisances de chantier
Les déplacements des engins venant approvisionner le chantier doivent être facilités par un système d’accès bien étudié. Dans les régions ventées et sèches, il est nécessaire de veiller aux envols de poussière et de déchets légers (sacs plastiques, tombées d’isolant thermique). Enfin, la position des grues doit aussi être étudiée en fonction des vents dominants
ECO-GESTION
CIBLE 4. Gestion de l’énergie
4.1. Renforcement de la réduction de la demande et des besoins énergétiques
On demande ici de prolonger l’effort d’économie d’énergie engagé par la réglementation thermique. Pour les besoins de chauffage, l’augmentation des épaisseurs d’isolation thermique de l’enveloppe est arrivée à un seuil que l’on aura du mal à dépasser, mais on peut tenter un effort sur la compacité du projet et toujours faire appel à l’architecture bioclimatique.
Mais il existe d’autres postes de besoins énergétiques sur lesquels il est possible de faire un effort :
L’usage de l’electro-ménager et de l’appareillage électrique
La production de l’eau chaude sanitaire
L’éclairage
L’évitement de la climatisation ou
La réduction des besoins énergétiques liés à la climatisation Si les deux premiers points sont du ressort de l’équipement des locaux, les trois suivants interrogent l’architecture. Les besoins en éclairage dépendent de l’éclairement naturel des locaux : le dimensionnement des ouvertures en relation avec celui des locaux, leur position, et surtout leur présence dans tous les locaux où la lumière est requise sont les critères les plus importants (voir cible N° 10 "confort visuel"). La question posée ici concerne la maîtrise des ambiances, et notamment celle des ambiances lumineuses, et concerne les plans et la définition de l’enveloppe.
La climatisation n’est que rarement une nécessité absolue, tout au moins dans nos climats. En dehors de cas spécifiques, comme les blocs opératoires ou les logements et lieux de travail situés en milieu bruyant, il y a moyen de l’éviter, à condition que les erreurs de conception architecturale comme les couplages inertie thermique+ouvertures sans protection solaire ne soient pas mis en œuvre. Pour les cas spécifiques, l’objectif est de maîtriser les dépenses énergétiques, objectif que l’on atteint aussi au moyen de la conception architecturale.
Pour tout ce qui concerne la maîtrise de la climatisation, on doit faire appel à la conception bioclimatique, et particulièrement vis-à-vis du confort d’été. Cela s’applique aussi aux grands volumes, comme les atriums. Tous les stades du projet sont concernés, de l’esquisse (couplages formes/orientations) aux détails (définition des protections solaires).
4.2. Renforcement du recours aux énergies environnementalement satisfaisantes
Les énergies environnementalement satisfaisantes, ce sont les énergies renouvelables. L’architecture est peu concernée ici, sauf le problème de l’accueil des surfaces de captage solaire, qu’il convient de coupler avec des structures externes au bâtiment comme, par exemple, les "toits-parasols" (cible confort hygrothermique). C’est alors une affaire de définition de l’enveloppe.
4.3. Renforcement de l’efficacité des équipements énergétiques
L’architecture est très peu en cause ici, c’est l’équipement et son ingéniérie qui sont visés.
4.4. Utilisation de générateurs propres en cas de recours à des générateurs à combustion
L’architecture est très peu en cause ici, c’est l’équipement et son ingéniérie qui sont visés.
CIBLE 5. Gestion de l’eau
Le problème général de la gestion de l’eau repose sur deux questions : comment réduire la consommation d’eau douce et comment réduire les eaux pluviales ?
5.1. Gestion de l’eau potable
Économiser l’eau potable ne concerne que l’équipement des locaux : robinetterie, économiseurs sur les eaux-vannes, et, en dernier ressort, l’usager lui-même.
5.2. Recours à des eaux non potables
Il s’agit essentiellement de récupérer les eaux pluviales, pour des usages autres que la consommation domestique, l’arrosage des espaces verts par exemple. Dans ce cas, il y a des retombées sur l’architecture pour la conception du réseau de récupération de l’eau de pluie : disposition des surfaces imperméables et circuits de transport.
5.3. Assurance de l’assainissement des eaux usées
Encore un critère qui ne concerne pas l’architecture : le raccordement au réseau est une obligation et tout ce qui pourra être entrepris pour améliorer l’assainissement est du ressort de l’équipement des locaux.
5.4. Aide à la gestion des eaux pluviales
Les eaux pluviales peuvent être récupérées, mais lorsqu’elles se présentent en abondance, ce qui arrive fréquemment en climat méditerranéen, il convient de réduire les débits instantanés qui vont saturer le réseau pluvial. Les solutions existent, elles vont des terrasses vertes aux bassins de rétention. Là, l’architecture est concernée, du plan-masse à la définition de l’enveloppe.
CIBLE 6. Gestion des déchets d’activités
6.1. Conception de dépôts de déchets d’activités adaptée aux modes de collecte actuels et futur probable
Il s’agit d’aménager un local destiné à recevoir les déchets de taille suffisante pour permettre le tri sélectif sur place. Si le cahier des charges englobe cette exigence, l’architecte n’a plus qu’à l’exécuter.
6.2. Gestion différenciée des déchets d’activités adaptée au mode de collecte actuel.
Cette question fait appel au comportement des usagers, ou, dans le tertiaire, à celui des agents d’entretien.
CIBLE 7. Entretien et maintenance
7.1. Optimisation des besoins de maintenance
La maintenance entre dans les coûts d’exploitation du bâtiment, pendant toute sa durée de vie. Les maîtres d’ouvrage sont encouragés à raisonner en termes de coût global, et les choix de l’architecte en matière de second-œuvre doivent intégrer ce facteur. Pour la maintenance, l’attention est à porter en particulier sur les éléments mobiles du bâtiment comme les fermetures et les protections solaires. Pour l’entretien, les vitrages nécessitent le lavage régulier, il faut donc veiller à ce qu’ils restent accessibles s’ils ne sont pas ouvrables. Si les besoins de maintenance doivent être réduits à la conception, ils doivent cependant être assurés sous peine de dégradation du bâtiment. Le maître d’œuvre doit donc être certain que le maître d’ouvrage ou le gestionnaire du futur bâtiment aura les moyens d’assurer cette maintenance, avant de prescrire tout système entraînant une maintenance lourde et obligatoire.
7.2. Mise en place de procédés efficaces de gestion technique et de maintenance
Un nombre croissant de services internes du bâtiment nécessitent une gestion dans le temps et dans l’espace : le chauffage, la climatisation, la ventilation, la sécurité, les protections solaires. Cette gestion, pour être efficace, ne peut être assurée que par des systèmes automatiques informatisés. Ce n’est pas du ressort de l’architecte, et les retombées se situent au niveau du local spécialisé requis et des câblages associés.
7.3. Maîtrise des effets environnementaux des procédés de maintenance
Il est préférable de choisir des matériaux et des composants ne nécessitant pas l’usage de produits polluants pour leur entretien et leur maintenance.
CONFORT
La cible "Confort" est celle qui met le plus en cause la conception architecturale. Le schéma est simple : si l’état du bâtiment ne permet pas de satisfaire les exigences de confort, de grosses dépenses d’amélioration du bâti et d’investissement dans des systèmes de rattrapage sont à prévoir, sans garantie absolue de résultat. La cible "Confort" se subdivise en :
Le confort hygrothermique
Le confort acoustique,
Le confort visuel
Le confort olfactif. Cette cible reprend non seulement les objectifs de l’architecture bioclimatique, mais aussi ceux de la maîtrise des ambiances, au sens le plus large du terme.
CIBLE 8. Confort hygrothermique
8.1. Permanence des conditions de confort hygrothermique (été-hiver)
Le confort hygrométrique de l’usager à l’intérieur des locaux repose sur quatre grandeurs physiques (en dehors des flux énergétiques dus à l’occupation) :
La température de l’air,
Les températures des surfaces environnantes (intégrant les effets de la pénétration solaire),
L’humidité de l’air
La vitesse de l’air. Ces grandeurs dépendent des caractéristiques que l’architecte a données au bâtiment et de l’intervention de systèmes internes comme la ventilation. Chacune de ces grandeurs peut connaître une évolution indépendante, faisant du même coup évoluer la sensation de confort de l’usager, vers le "froid" ou le "chaud". Il faut donc veiller à ce que, en hiver comme en été, il n’y ait pas de dérive d’une ou plusieurs de ces grandeurs physiques. La conception architecturale est fortement concernée par l’intermédiaire des choix suivants :
La position et la dimension des ouvertures vitrées en relation avec la destination et la dimension des locaux et l’orientation ;
La protection solaire de ces ouvertures ;
Le choix des matériaux intérieurs influant sur l’inertie thermique ; C’est-à-dire les éléments de base permettant de contrôler les ambiances thermiques.
La question se pose aussi pour les grands volumes comme les atriums. Les combinaisons Taux de vitrage zénithal, rapport Hauteur/Largeur, Inertie thermique, Positions des entrées et sorties d’air, qui ont une influence sur l’évolution des températures intérieures et des champs radiatifs internes, sont des paramètres avec lesquels l’architecte peut jouer à l’infini. Toutes les phases du projet sont concernées.
8.2. Homogénéité des ambiances hygrothermiques
Les grandeurs physiques citées peuvent aussi varier dans l’espace, principalement sous l’effet des expositions de façades par rapport au soleil ou au vent. Une solution architecturale est à trouver pour éviter d’aligner les locaux le long de ces façades : par des locaux traversants, par l’utilisation d’espaces intermédiaires, par la modulation des surfaces vitrées, de manière à réduire les écarts entre situations. Sinon, le système de chauffage et l’éventuel système de climatisation devront être dimensionnés en conséquence et le système de gestion centralisée pourrait avoir à gérer des besoins simultanés de chauffage et de climatisation en plein hiver ou en mi-saison.
8.3. Zonage hygrothermique
Le zonage hygrothermique est une nécessité pour éviter les différences thermiques entre locaux. Il fait appel avant tout à l’intelligence de l’architecture, en regroupant les locaux soumis à des conditions identiques ou voisines, qu’il convient donc de connaître, ou mieux, de contrôler par le projet. Cela est très visible sur une esquisse.
CIBLE 9. Confort acoustique
Le confort acoustique dépend fortement de l’état du bâtiment et des dispositions prises par l’architecte pour que le bâtiment "gère" la propagation des sons en provenance de l’extérieur et de l’intérieur.
9.1. Correction acoustique
La correction acoustique concerne la "durée de réverbération" des locaux, qui a deux effets principaux :
Ajouter un "champ sonore réverbéré" au champ direct, pour aboutir à des niveaux sonores résultants plus élevés ;
Rendre plus ou moins difficile l’intelligibilité de la parole et de certains autres signaux sonores précis comme la musique. Les solutions sont essentiellement architecturales : par la forme générale et la géométrie de l’enveloppe des locaux visibles sur l’esquisse, et par le choix des matériaux, l’architecte a la possibilité d’obtenir un résultat satisfaisant.
9.2. Isolation acoustique
L’isolation acoustique s’oppose à la transmission des ondes sonores à travers les parois : à l’intérieur du bâtiment, c’est une nécessité pour sauvegarder l’intimité des logements ou de bureaux, mais on en a besoin aussi pour se protéger des nuisances sonores extérieures. Dans les deux cas, les solutions attendues sont exclusivement architecturales. Elles ont trait à la définition de l’enveloppe extérieure, englobant le système constructif, et des parois séparatives internes. La réalisation, en matière d’isolation acoustique, est une phase critique (risques de ponts phoniques incontrôlés).
9.3. Affaiblissement des bruits d’impact et d’équipements
Les nuisances peuvent aussi provenir des bruits de choc contre les parois séparatives (planchers) et des équipements internes (soufflage d’air, ascenseurs). Là l’effort porte à la fois sur la définition des parois, et sur des précautions de mise en œuvre des équipements bruyants.
9.4. Zonage acoustique
Le "zonage acoustique" est une réponse, intelligente et fondamentalement liée à la conception architecturale, à la question de l’isolement par rapport aux bruits extérieurs ou aux bruits des équipements. Il consiste à regrouper les locaux les plus calmes et les situer le plus loin possible des sources de bruits. C’est ainsi que l’on composera un plan de logement en fonction des façades sur rues et de la position des ascenseurs et des cages d’escaliers, et des pièces voisines d’occupation identique, dans le sens vertical comme horizontal.
CIBLE 10. Confort visuel
Ce critère est lui aussi lié de manière extrêmement étroite avec la conception architecturale.
10.1. Relation visuelle satisfaisante avec l’extérieur
Le contact avec l’extérieur est un critère de confort visuel évident : il s’applique aussi bien au logement qu’au lieu de travail (le code du travail spécifie que tout personnel posté doit bénéficier d’une ouverture directe sur l’extérieur à hauteur de vue). La conception architecturale doit donc intégrer cette exigence ; cela a une incidence certaine sur le parti architectural, notamment sur l’épaisseur et la compacité du bâtiment.
10.2. Éclairage naturel optimal en termes de confort et de dépense énergétique
La présence d’ouvertures facilite la pénétration de la lumière naturelle, à priori favorable aux économies d’énergie pour l’éclairage. Toutefois, cette lumière peut être trop abondante ou entraîner un inconfort lumineux par effet de contraste. Les éléments avec lesquels l’architecte doit jouer sont :
La dimension des ouvertures en relation avec le volume, la couleur interne du local et l’exposition ; Le positionnement de ces ouvertures ; Le système de protection solaire mis en œuvre ; Il s’agit là de l’application des principes de la maîtrise des ambiances, et toutes les phases du projet sont en cause.
10.3. Éclairage artificiel satisfaisant en appoint de l’éclairage naturel
Cette partie est liée à l’équipement des locaux.
CIBLE 11. Confort olfactif
11.1. Réduction des sources d’odeurs désagréables
Ce critère relève du zoning d’usage et de la ventilation des lieux où se situent ces sources. Il faut bien sûr éviter les matériaux porteurs d’odeurs désagréables.
A l’inverse, pour apporter des odeurs "agréables", on peut penser à l’utilisation de végétaux à proximité immédiate de l’enveloppe du bâtiment comme le jasmin ou la glycine, qui peuvent aussi par ailleurs assurer la fonction de protection solaire des façades et des espaces adjacents.
11.2. Ventilation permettant l’évacuation des odeurs désagréables
Ce critère relève du système de ventilation, donc de l’équipement.
SANTE
CIBLE 12. Conditions sanitaires
12.1. Création de caractéristiques non aériennes des ambiances intérieures satisfaisantes
Ce critère reprend l’ensemble des caractéristiques du bâtiment ayant un rapport direct ou indirect avec l’hygiène et la santé : par exemple, dans le logement, des locaux trop chauds en été peuvent nuire au sommeil et à la santé.
12.2. Création des conditions d’hygiène
On peut penser par exemple aux associations Ensoleillement/Ventilation/Isolation thermique/Occupation/Conditions d’usage du chauffage qui commandent le degré d’humidité interne et donc l’apparition de moisissures et le développement des acariens.
12.3. Facilitation du nettoyage et de l’évacuation des déchets d’activités
Le nettoyage des parties communes dans le tertiaire ou le logement est indispensable pour éviter la poussière et la multiplication des micro-organismes. La facilitation de ce nettoyage est requise, mais concerne plutôt l’équipement des locaux. Les matériaux de sol, plus sollicités que les autres, doivent se prêter à un entretien fréquent.
12.4. Facilitation des soins de santé
Les accès devront de préférence sauvegarder la possibilité d’accéder avec des moyens de transport de personnes couchées.
12.5. Création de commodités pour les personnes à capacités physiques réduites
Il s’agit de créer un minimum de lieux accessibles aux personnes à mobilité réduite.
CIBLE 13. Qualité de l’air
13.1. Gestion des risques de pollution par les produits de construction
L’usage de matériaux pouvant nuire à la santé est proscrit et le principe de précaution doit jouer en cas de doute.
13.2. Gestion des risques de pollution par les équipements
Cela ne concerne donc que les équipements.
13.3. Gestion des risques de pollution par l’entretien ou l’amélioration
L’usage de produits décapants ou de peintures doit être surveillé.
13.4. Gestion des risques de pollution par le radon
Ce critère ne concerne que les régions à sous-sol granitique (Auvergne-Bretagne), d’où l’on peut être tenté de retirer des matériaux de construction, et notamment, des parements de façade.
13.5. Gestion des risques d’air neuf pollué
L’air neuf dans les villes peut être pollué (ozone, CO2, No2). Son introduction à l’intérieur de locaux peut nécessiter un traitement préalable.
13.6. Ventilation pour la qualité de l’air
L’amélioration constante de la perméabilité à l’air des menuiseries rend de plus en plus fréquent le recours à une ventilation des locaux pour évacuer l’humidité ou les odeurs.
CIBLE 14. Qualité de l’eau
14.1. Protection du réseau de distribution collective de l’eau potable
Ne concerne que les équipements.
14.2. Maintien de la qualité de l’eau potable dans les bâtiments
Ne concerne que les équipements.
14.3. Amélioration éventuelle de la qualité de l’eau potable
Ne concerne que les équipements.
14.4. Traitement éventuel des eaux non potables utilisées
Ne concerne que les équipements.
14.5. Gestion des risques liés aux réseaux d’eaux non potables
Ne concerne que les équipements.
3 - Interactions entre cibles HQE
L’application brute des exigences en face de chaque cible est une entreprise risquée, car les solutions à mettre en œuvre peuvent être parfois contradictoires. En voici quelques exemples (non exhaustifs) :
Le traitement de ces trois cibles peut conduire à des conflits entre solutions, et donc aussi à de nécessaires compromis entre exigences.
La cible "Gestion énergie" encourage l’utilisation de l’énergie solaire passive en hiver, et par conséquent, l’exposition Sud et de grands vitrages non masqués. Cela peut, selon les programmes, s’avérer néfaste au confort hygrothermique d’hiver et au confort visuel ; en effet, l’énergie solaire pénétrant directement dans le local peut provoquer une surchauffe diurne de celui-ci et un éclairement lumineux trop intense, incompatible avec certains usages comme la lecture (papier ou écran d’ordinateur).
En été, la problématique est légèrement différente : une protection solaire efficace peut, à certaines heures de la journée, plonger des locaux dans la semi-obscurité incompatible avec le confort visuel.
Dans les atriums, le conflit est inévitable si la fonction "distribution de la lumière naturelle" est traitée de manière prioritaire : elle entraîne des surchauffes mettant le confort thermique en danger, non seulement dans le volume propre de l’atrium, mais aussi dans les volumes adjacents. La priorité donnée au confort hygrothermique, à l’inverse, diminue fortement les éclairements des locaux situés aux niveaux inférieurs.
Le confort acoustique vis-à-vis des bruits d’impact nécessite le recours à des revêtements de sol absorbants, qui ont pour effet de réduire l’inertie utile du bâtiment et qui rendent l’entretien plus difficile.
A l’opposé, l’entretien nécessairement plus intense des locaux destinés à la circulation (couloirs, escaliers) oblige à utiliser des revêtements rigides qui augmentent le champ réverbéré dans des espaces où peuvent se produire plus facilement des nuisances acoustiques.
Cibles Maîtrise environnementale des relations-Chantier à nuisances réduites-Gestion énergie-Confort visuel
L’intégration au site d’un projet peut nécessiter qu’il soit semi-enterré (terrain en pente, zone protégée, servitude de "non altius tollendi"). Cela peut être présenté comme favorable vis-à-vis du traitement général des déperditions (compacité du projet) et du confort d’été (inertie thermique augmentée), mais les désavantages existent, avec les nuisances accrues du chantier (déplacement de terrain) et les difficultés liées à l’éclairement naturel de tous les locaux. Le projet est alors une affaire d’optimisation entre ces avantages et ces désavantages, en choisissant des solutions architecturales adaptées comme les puits de lumière.
Conséquences pour la maîtrise d’ouvrage
Le maître d’œuvre averti peut certainement trouver les solutions pour réduire ces contradictions, mais il est certain que cela compliquera sa tâche et ouvrira la porte à des conflits qui nécessiteront un arbitrage dont l’issue est incertaine pour la qualité environnementale finale du bâtiment.
Il est important que les programmistes et les maîtres d’ouvrage soient conscients de ces contradictions quand ils rédigent les cahiers des charges, surtout quand c’est à destination de maîtres d’œuvre qui découvrent la haute qualité environnementale. C’est ici qu’apparaît la nécessité de hiérarchiser les cibles : quel est le principal objectif à viser ?
4 - Récapitulation des implications architecturales
L’objectif est de montrer les relations entre les 14 cibles et le processus de production du bâtiment. Pour cela, le processus doit être subdivisé en phases. On peut distinguer, dans l’ordre chronologique, en dehors de la programmation :
Les études préalables
Le projet d’architecture
L’équipement
Le chantier Le projet d’architecture se subdivise lui-même en sous-phases :
L’esquisse
L’avant-projet sommaire (APS) et l’avant-projet détaillé (APD)
Les détails et les pièces écrites Enfin, l’occupant, qui peut avoir un rôle à jouer, figure parmi les "phases" (on peut même considérer que l’occupant constitue l’ultime phase du processus).
La relation entre une cible et une phase est repérée par un lien au niveau de chacune des 52 sous-cibles. Ce lien prend la forme du chiffre 1, de manière à pouvoir facilement compter le nombre total de liens entre les cibles et les phases, à l’aide d’un tableur (voir les tableaux ci-après).
Commentaires sur les résultats
En ne prenant en compte qu’un seul lien avec l’architecture par cible, il est possible de construire les tableaux suivants.
Par rapport à l’ensemble des cibles, partagées entre "Impact extérieur" et "Environnement intérieur", l’"architecture" constitue le point principal d’application, devant l’"équipement" . Le groupe de cibles le plus lié à l’architecture est l’"Environnement Intérieur" :
Pour les quatre cibles de départ, cela donne le tableau suivant, où l’on voit que la cible la plus reliée à l’architecture est le "Confort", et la plus liée à l’équipement est la "Santé". :
Le traitement des liens pour les 14 cibles donne, lui, le tableau suivant, où l’on voit l’importance de l’architecture dans le traitement des cibles "Confort". :
On voit qu’un certain nombre de cibles ont des relations avec le projet dès la phase "esquisse" : c’est le cas notamment de la cible "Confort" (8 liens). En conséquence, la vérification qu’un certain nombre de qualités environnementales peuvent être accordées à un projet peut se faire au vu d’esquisses. Cela est très important pour les concours d’architecture qui se déroulent le plus souvent sur esquisses.
Conclusion :
La haute qualité environnementale d’un bâtiment dépend étroitement de sa conception architecturale, principalement sur la cible "Confort". On retrouve ensuite certains éléments des cibles "éco-construction", "éco-gestion" et "Santé".
Pour réunir les conditions des conforts hygrothermique, acoustique et visuel, les moyens à mettre en œuvre sont du ressort de l’architecture et touchent à tous les aspects du projet, du choix du parti à celui des matériaux.
Par ailleurs, tout échec dans la cible "Confort" masquera les qualités du bâtiment dans les autres cibles, pour la raison que le confort est vécu au quotidien par les usagers, et ce pendant toute la durée de vie du bâtiment.
Le rapprochement de ces deux propositions nous amène donc à affirmer que sur la cible "Confort", sans l’architecture, il ne peut y avoir de qualité environnementale d’un bâtiment.